Depuis quelques années, les tubes électroniques, à l’instar de tous les composants électroniques, doivent respecter les normes RoHS, ce qui impose de nouvelles contraintes de fonctionnement. Sans discuter ici du bien fondé de cette norme, ses conséquences ne sont pas anodines. En particulier, les revêtements émissifs des cathodes et les filaments ont sensiblement évolué. Si un tube des années 1950 ou 1960 de la série européenne E (chauffage en 6,3V) se contentait d’une tension de chauffage quelque part entre 5,6 et 7V, il est devenu primordial aujourd’hui de réguler et stabiliser cette tension aussi finement que possible. Ne pas le faire réduit considérablement la durée de vie d’un tube.
Un autre point n’est pas à négliger, il s’agit de la stabilité de la tension du secteur à la prise murale. L’opérateur, en France, est tenu de fournir une tension monophasée de 230V dans les tolérances suivantes : -5%/+10%. En triphasé, la tension est de 400V dans les mêmes tolérances, ce qui donne 231V entre chaque phase et le neutre pour un régime équilibré. Ainsi, en partant du principe que le transformateur fournissant la tension de chauffage est calibré précisément pour fournir 6,3V au courant consommé par ce chauffage à partir d’un primaire sous une tension de 230V, la seule tolérance du secteur fera que la tension réelle de chauffage oscillera au mieux entre 6V et 7V, ce qui n’est pas du goût des composants. Aujourd’hui, en l’absence de démenti de l’opérateur, les derniers textes parlent d’une tolérance de tension de -10%/+10%, ce qui donne pour le même transformateur une valeur de la tension de chauffage entre 5,7V et 7V. L’opérateur se retranche derrière deux très laconiques définitions :
- tension basse : valeur efficace de la tension (moyennée sur plusieurs secondes à quelques minutes) durablement inférieure au(x) seuil(s) admis — typiquement 90 % de la tension nominale. Conséquence : altération du fonctionnement de certains appareils électriques ;
- tension haute : valeur efficace de la tension durablement supérieure au(x) seuil(s) admis — typiquement 110 % de la tension nominale. Conséquence : altération du fonctionnement de certains appareils électriques, dommages potentiels à long terme.
Notez bien la définition juridique de seuils admis et de l’altération du fonctionnement de certains appareils électriques…
Par ailleurs, une rumeur considère qu’on peut alimenter les filaments en courant alternatif non régulé. C’est effectivement possible mais cela ne garantit pas un fonctionnement optimal du tube pour deux raisons. La première, déjà évoquée, est la tension de chauffage. La seconde est la génération d’un champ électrique entre la cathode et le filament qui peut être variable en cas de chauffage mal régulé ou en courant alternatif. C’est pourquoi il est impératif d’alimenter les tubes à chauffage indirect avec une alimentation dont le potentiel du point froid est entre 20 et 30V supérieur au potentiel de la cathode. Pour les tubes à chauffage direct, le problème est un peu différent et ils seront alimentés non pas entre 0 et 5V, mais entre 0 et -5V stabilisés pour les mêmes raisons.
Une autre rumeur indique qu’on pourrait alimenter les filaments en série comme on le ferait avec n’importe quel autre composant. Là encore, c’est une erreur. Même pour une double triode, les filaments ne sont pas tout à fait identiques, ce qui conduit à des déséquilibres affectant les émissions des cathodes et au vieillissement accéléré de l’un des tubes en question.
Pour tous ces points, il est indispensable de soigner la conception des alimentations, qu’il s’agisse des alimentations basse tension des filaments de chauffage ou des alimentations haute tension.
Concernant les alimentations basse tension, la régulation est assez simple à faire. Le problème est bien plus ardu pour les alimentations haute tension. Cette régulation peut se faire de deux façons :
- par redressement commandé par thyristor avec commande en arccosinus puis transistor de ballast, le tout fonctionnant à 50 ou 100 Hz, solution qui évite les surtensions mais pas l’ondulation de redressement et impose une bande passante de l’alimentation relativement faible, donc interdit les transitoires sauf à surdimensionner les capacités de filtrage ;
- par onduleur haute fréquence et haute tension.
Certains se retranchent derrière une affirmation gratuite en prétendant que cela n’est pas nécessaire. Effectivement, réguler la haute tension n’apporte quasiment rien à qualité d’un amplificateur. Cela ne fait que garantir la polarisation de l’étage de sortie et protéger cet étage d’une destruction accidentelle par une surtension impulsionnelle.
À titre d’exemple : vous venez d’acheter un amplificateur que vous trouvez superbe avec une magnifique triode 2A3 en polarisation automatique et fonctionnant en classe A. La tension maximale admissible par ce tube est de 300V et le concepteur de l’amplificateur a décidé d’un point de polarisation vers 250V. Une petite surtension transitoire de 20% permet d’atteindre les limites du tube. Quand on mesure des transitoires à 350V (+65%) sur son réseau domestique plusieurs fois par jour., l’étage de sortie d’un tel amplificateur va rapidement en souffrir.
Ne pas réguler revient à faire l’hypothèse que la tension du secteur fournie par l’opérateur est exactement de 230V et reste parfaitement constante dans le temps, ce qui est une utopie.